Wednesday 2 September 2015

Le droit à l'oubli?

Le droit à l’oubli, c’est la forme la plus brutale de terminer un lien entre un collecteur de données et un propriétaire de données : zéro ou 1. La mise à zéro des données détenues.
Pourtant il en restera toujours quelque chose...
Le ricochet, le rebond, le reflet, l'un des trajets multiples, sans compter les tensions émotives qui peuvent se produire autour du "c'est mon mien, c'est pas-t-à-toi, et na".

Voici le protocole de ce dialogue, avec une variante énervée pour finir:
-je t'ai donné un accès
-maintenant je te le reprends
-tu as pu jouer avec mon auto miniature, mais c'est fini, je la re-veux.
-tu ne veux pas me le rendre? Je ne veux plus que tu joues avec. Je vais te le casser ce jouet.

Une relation graduelle avec un prix p mis sur les données auquelles on vend l'accès, ce serait plus dans la philosophie du tâtonnement de Walras, vers un optimum de Pareto, offre-demande en relation équilibrée. On passe d’un paramètre de réglage de la relation qui est booleien (vaut 0 ou 1), à un paramètre d’ajustement p qui est un nombre réel, flottant vers une valeur d’équilibre qui peut varier.


Le couplage lagrangien d’un prix de marché p c’est plus stable que le booleien du quitte ou double, à prendre ou à laisser. 

Je peux faire monter la valeur du prix d'usage p de mes données pour la prochaine période et obtenir un effet dissuasif sur le collecteur-utilisateur: on sort par le haut des bornes acceptables par ce collecteur-utilisateur, et il fera comme dans le Doubs, il s'abstiendra (proverbe alsacien "dans le Doubs abstiens-toi").
On obtient un effet de blocage ou non-usage automatiquement couplé.
Par contre, si on se trompe de cible, on va vers l'effacement qui serait coûteux et incomplet, et ce n'est pas l'objectif visé: je ne veux pas qu'on m'oublie de façon amnésique en lobotisant tous les humains, je veux qu'on arrête de se servir de mes données dans l'avenir.

Faire autrement, si on va jusqu'au bout, c'est copier le pharaon, qui pour exercer un droit à l'oubli absolu, fait enterrer l'architecte de la pyramide dans son édifice. 
C'est cruel, brutal, coûteux et en plus ça ne marche pas: Le Louvre, vous connaissez?On finira par le retrouver ce pharaon dans sa petite pyramide de grand seigneur. On les retrouve tous les pharaons, un jour ou l'autre. Ils n'échappent pas au temps et aux archéologues coloniaux ou post-coloniaux, ces hackers profanateurs de pyramides.

C'est ici qu'on aurait aimé demander à un spécialiste des belles formules, comme Barthes ou mieux Lacan, de nous dire cela de façon élégante.
Cela aurait pu donner quelque chose comme:

"-On n'efface pas le passé...[ruminement] le passé c'est notre histoire qui s'inscrit en nous, et dans tous nos témoins.[pause] Par contre on peut toujours empêcher l'avenir... tant qu'il n'est pas là [dit très vite]".




Tuesday 31 March 2015

Enjeux de l'économie des données (i) individus

Nos données,
et leur utilisation

Une approche économique








Quel est le problème?

Chacun a tendance à donner accès à ses données (de tous types: qui je suis, ce que je fais, où je suis, les choses qui m'entourent) à un très petit nombre de grandes entreprises de l'internet, sans contrepartie autre que l'accès à des applications logicielles. Ces quelques entreprises ont des milliards de revenus sur ces données, par des recettes publicitaires, pour l'instant.
Il me semble y avoir un problème d'équité et de redistribution de la richesse aux détenteurs des données que nous sommes tous, en tant qu'individu.
[NB cette idée n'engage que moi, en tant qu'individu, et pas mon employeur actuel]
Voici donc le problème:
-PB1 la redistribution du bénéfice de la valorisation des données



D’où vient la complexité?

On a donc des milliards de très petits producteurs de données, les humains qui utilisent internet depuis leurs téléphones ou leurs ordinateurs, téléviseurs, navigations, etc... Ce sont effectivement les producteurs de données, fournissant les grandes marques internet. On se trouve dans une configuration symétrique des industries grand public où des produits sont vendus par quelques marques en millions d'exemplaires (téléviseurs; téléphones, automobiles, etc).
-PB2 des nano-producteurs de données (individus et leur voisinage) fournissent quelques entreprises intégratrices, les grandes marques de l’internet.

Comment formuler le problème en des termes clairs pour sa résolution ?

Caractéristique (i) nombreux fournisseurs fournissant peu d’intégrateurs

J'ai cherché les situations économiques semblables où des producteurs en grand nombre font face à des entreprises clientes, intégratrices, et qui sont en petit nombre dans le secteur concerné. Il y a, certes, l’automobile, avec son problème, classique et traité, de gestion des fournisseurs, le « supply chain management ».  J'ai trouvé le cas du café, plus proche encore de notre problème d’économie des données, avec un grand nombre de petits producteurs face à quelques grandes marques de café. Une solution qui a pris un essor notable, et est critiquée pour cela malgré son intention louable et son succès, c'est le système du commerce équitable « Fair Trade » qui équilibre les relations, le jeu de pouvoir, et la redistribution économique, entre les petits producteurs fédérés par « Fair Trade » et les puissants acheteurs que sont les grandes marques (cf publicités, pour l’illustration, montrant l'acheteur en costume de lin et chapeau, qui rend "courageusement" visite aux producteurs indigènes lointains. C'est un peu une version moderne du colonialisme vu aujourd’hui comme raciste des publicités "Banania").



-S1 Le modèle Fair Trade est un candidat raisonnable pour le rééquilibrage de la relation entre producteurs de données (individus) et collecteurs-utilisateurs de données (entreprises internet et leur clientèle d'entreprises).

Caractéristique (ii) la valeur des données n’est pas reconnue

J'ai aussi cherché dans l'histoire économique les cas où un autre paramètre économique avait été mis à prix zéro, ou pas pris en compte et j'ai trouvé deux cas:
-crise de 1929, Keynes introduit le chômage et la consommation comme deux paramètres fondamentaux du bien-être social. Avant lui le chômage était considéré comme structurel, un mal secondaire.
-révolution industrielle, Marx, faisant suite aux travaux de Engels sur la condition ouvrière en Grande Bretagne, introduit le travail comme paramètre économique fondamental, alors qu'avant lui le travail était secondaire face au "Kapital" et aux actifs (immobiliers, machines, toutes propriétés).

Pour le problème qui me soucie, nous avons aussi trois grandeurs fondamentales, dont une, qui est mise à prix zéro arbitrairement: les données fournies par les individus. Les deux autres grandeurs sont le logiciel (des applications informatiques des téléphones et autres objets connectés) et le réseau de communication. On accepte le prix et la valeur des logiciels, et des abonnements aux services des opérateurs de réseau, alors que les données, si précieuses en réalité, ne sont pas rémunérées.
Toutes proportions gardées, si on suit l'analogie avec le travail dans l'économie de production industrielle du XIXe siècle, on s'approche du travail à prix zéro qui s'appelle l'esclavage.
Pour sortir de cette situation, il faudrait donc des rapports équilibrés, et une reconnaissance de la valeur des données, ce qui commence par la reconnaissance de la propriété individuelle des données ...individuelles : mon électrocardiogramme, mon trajet et ma position suivis en temps réel, qui je suis, ce que je fais, avec qui et avec quoi... Ces données existent de toutes façon, inutile de les ignorer.
-S2 Reconnaissance de la valeur des données

Synthèse et conclusion


L’article qui précède a établi la position du problème:
-PB1 la redistribution du bénéfice de la valorisation des données
-PB2 des nano-producteurs de données (individus et leur voisinage) fournissent quelques entreprises intégratrices, les grandes marques de l’internet.
et ébauché deux pistes à approfondir:
-S1 Le modèle Fair Trade est un candidat raisonnable pour le rééquilibrage de la relation entre producteurs de données (individus) et collecteurs-utilisateurs de données (entreprises internet et leur clientèle d'entreprises).
-S2 Reconnaissance de la valeur des données

Nous poursuivons le travail et aborderons prochainement la microéconomie des données.

Pour approfondir, un lien web:
Publications de R. Di Francesco